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Dé-mondialisation: une chance pour notre pays?








L’accord passé entre les États-Unis et l’Ukraine n’a suscité aucune émotion de la part de nos commentateurs officiels, ni a fortiori de nos politiques. L'accord pourtant met en place un fonds d'investissement, qui sera financé à parts égales par les deux pays et donne la priorité aux États-Unis pour l’exploitation des ressources minières ukrainiennes. En fait il s’agit d’une sorte de monopole du développement économique d’un pays qui recèle 5% des minerais rares de la planète dont la valeur est estimée à 13.000 milliards de dollars. À ce fabuleux trésor s’ajoutent les gisements de pétrole et de gaz naturel, dont l’exploitation sera confiée à des sociétés étasuniennes. 50% des profits iront inéluctablement dans les caisses des multinationales étatsuniennes. Peu de temps après cet accord, Donald Trump a fait une tournée au Proche-Orient, serrant la main du nouveau chef de la Libye et récoltant dans la région toutes sortes de liens et de contrats.


J’ajouterai que la proposition d’achat du Groenland au royaume danois, procède de la même volonté de contrôler le maximum de richesses nécessaires aux industries du XXIè siècle. Cette ambition étatsunienne est indépendante du parti au pouvoir à Washington. Les modalités changent mais l’intention de domination, ou au moins d’incontestable supériorité, demeurent.


le silence des observateurs et des autorités de l’UE, maintenus dans leur passivité, est compréhensible. Ils auraient été amenés incidemment à dire que l’exploitation des immenses ressources en minerais et terres rares du sol ukrainien avait été le principal but de guerre des États-Unis. En conséquence ils auraient bien été obligés de désigner le véritable responsable de cette tragédie et avouer leur illusoire prétention à établir l’UE en tant que puissance.


La dislocation, initialement recherchée, de la Russie recouvrait la même intention étatsunienne. Une différence est cependant apparue dans la méthode. Monsieur Trump est un homme d’affaires. Les Républicains ont compris qu’avec la Caste, l’État profond, le pouvoir à Washington était sur le point d’échapper aux politiques. Jusqu’alors il y avait eu une espèce de conjonction d’intérêts. La Caste, essentiellement constituée par la finance anglo-saxonne ou anglo-saxonnisée, visait à établir un pouvoir élitiste sur le monde.


David Rockefeller disait en 1991, au moment de l’effondrement de l’URSS: « Il nous a fallu être discrets pendant des années…désormais le monde est préparé pour un gouvernement mondial. La souveraineté supranationale d’une élite intellectuelle et de banquiers mondiaux est assurément préférable à l’autodétermination nationale pratiquée dans les siècles passés ».


En parallèle les États-Unis poursuivaient leur hubris hégémonique qui de toute évidence satisfaisait la Caste. Elle y trouvait son propre renforcement. Or, il est apparu que ces deux ambitions se montraient finalement antinomiques et que les États-Unis risquaient, comme une grande partie des nations dans le monde, de se trouver subordonnés à des intérêts et des modalités de pouvoir qui n’étaient pas les leurs, bien que globalement d’origine anglo-saxonne. L’association devenait de moins en moins équitable. Elle n’était plus osmotique. Un monde unipolaire contrôlé par les banquiers, aurait fait fi du peuple étatsunien tout en l’utilisant. Trump et les Républicains, fondamentalement patriotes, ne pouvaient admettre ce risque de subordination.


Il valait donc mieux dissoudre cette conjonction circonstancielle entre le pouvoir politique et ce regroupement militaro-économico-financier qui n’œuvrait que pour lui même.

En conséquence les États-Unis, par toutes sortes de mesures et de décrets présidentiels, ont amené l’État-profond à se réfugier en Europe où il est, de toute évidence, bien moins dangereux pour les États-Unis. Nous constatons ainsi un véritable schisme. l’UE, plus le Royaume-Uni, est toujours aux ordres des banquiers et des financiers de tous poils par le biais des principaux responsables en place et par la direction du système européen, alors que les États-Unis sont dirigés par des patriotes éclairés sur les dangers d’un monde unipolaire soumis à la Caste. Il n’est donc nullement étonnant que l’UE qui n’est qu’une vaste administration internationale écrasant les nations de ses directives, ne puisse pas concurrencer les États-Unis dans la recherche de marchés. Pousser à la poursuite de la guerre en Ukraine n’apportera aucun avantage aux bellicistes qui refusent de comprendre que le temps n’est plus celui des armes, mais celui de l’économie et d'un commerce contrôlé. L’État profond incluant les sociétés d’armement et les formidables fonds de pension trouve évidemment son intérêt à l’endettement accéléré des États du continent. Un refuge confortable…


Il ne s’agit pas d’une modification provisoire, mais bien d’une révolution dont les conséquences vont se propager à la planète. Ce n’est donc pas un incident dans la conquête du pouvoir absolu par la Caste, car le patriotisme s’appuie véritablement sur le peuple et admet logiquement qu’à l’étranger les patriotismes puissent et même doivent s’exprimer. Désormais les États-Unis agissent en tant que nation sans le risque de voir leur action détournée ou contrôlée par une association malfaisante. Les objectifs ne se ressemblent plus. Il y a divergence.


Ce n’est pas pour autant que l’action des États-Unis présentera moins d’ambition. Celle-ci sera plus raisonnée sans doute, prenant en considération la réalité des choses au lieu de chercher à faire plier les interlocuteurs en suscitant chaos, oppositions ou conflits.


Après avoir fait l’analyse des causes de son rejet par le monde en tant que puissance outrancière, ce pays est en train de modifier ses méthodes d’action. Il cherchera toujours cependant l’affermissement de sa puissance au nom de sa sécurité. Prenant en considération la réalité du monde d’aujourd’hui et l’opposition qu’il a suscitée, il le fera d’une manière différente puisqu’il ne veut plus s’appuyer sur la volonté universaliste de l’État-profond financier et bancaire. Trump est un réaliste, versé dans les négociations commerciales. Il va appliquer son savoir-faire aux relations internationales, en demandant beaucoup pour obtenir ce qui est acceptable par chacun. Il le fera avec d’autant plus de détermination que ses conseillers ont analysé les rapports de forces et que ceux-ci sont de moins en moins en faveur des États-Unis. L’accélération de la dédollarisation est un fait, le danger de la dette aussi, tout comme la supériorité militaire de l’ensemble Chine-Russie, dont il faut de toute évidence, éviter un rapprochement plus intime. S’ajoute à ce tableau inquiétant la situation délabrée sociale et sociétale des États-Unis.


Si nous regardons les aspects géopolitiques, nous pouvons constater ce basculement. Il ne s’agit plus de dominer ou d’écraser mais de contrôler et accepter des partages d’influence, ce qui, somme toute, s’avère beaucoup plus judicieux. Les États-Unis étant une puissance maritime, il apparaît que cette nature va être privilégiée. Je rappelle ce qu’écrivait Nicholas Spykman, prolongeant la théorie de Mackinder. Il développa le concept de Rimland comme la frange maritime de l’ensemble eurasiatique : « Qui contrôle le Rimland, gouverne l’Eurasie, qui gouverne l’Eurasie contrôle les destinées du monde ». Cette théorie s’appuyait sur ce qu’avait entrevu le navigateur anglais, sir Walter Raleigh et qu’il exprimait ainsi: « qui tient la mer, tient le commerce du monde; qui tient le commerce tient la richesse; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même ». On ne peut pas être davantage explicite!


Nous pouvons observer quelques actions allant dans ce sens. Les États-Unis cherchent désormais à contrôler les passages maritimes obligés. Le canal de Panama sur lequel ils souhaitent rétablir leur autorité ; le pôle nord qui demain permettra des relations maritimes plus directes avec l’Asie, d’où ce double intérêt pour le Groenland et cette étonnante proposition de faire du Canada le 51ème État de la Fédération. S’y ajoute la lutte contre les Houthis pour sécuriser le Bab-el-Mandeb et la présence étatsunienne à Djibouti. Ce détroit de la mer Rouge la relie au golfe d'Aden, et sépare l’Afrique du Yémen. Le Bab-el-Mandeb est à la fois un emplacement stratégique important et l'un des couloirs de navigation les plus fréquentés au monde. J’ajouterai que l’intérêt pour Taïwan ne concerne pas seulement la capacité de TSMC de produire les meilleures puces électroniques au monde, ni la défense de la démocratie, mais le maintien de la mer de Chine comme mer ouverte. Il s’agit ainsi, notamment, d’éviter que les sous-marins nucléaires chinois puissent immédiatement atteindre les grands fonds du Pacifique à partir de ports militaires rapidement construits sur l’île. Le soutien à Israël, encouragé évidemment par les puissants groupes de pression juifs étatsuniens, est également motivé par la domination régionale que ce pays exerce sur ce carrefour que représente le Moyen-Orient. je note que certaines de ces actions avaient débuté bien avant l’arrivée des Républicains au pouvoir à Washington, mais aujourd’hui leur objectif s’est précisé, il est moins militaire et impérialiste que commercial.


Cependant dans cette vision géopolitique maritime, les États-Unis seront confrontés à la masse continentale asiatique dominée par la Chine. La Chine, patiemment, a rétabli les routes de la Soie, essentiellement terrestres, tout en cherchant des points d’appui portuaires. Elle est présente au Pakistan dans le port de Gwadar et a établi avec ce pays une liaison terrestre la Karakoram Highway route transfrontalière de 1300 km.Traversant la puissante chaîne du Karakoram, elle passe par la Khunjerab Pass, située à 4693 m. d’altitude, ce qui fait de ce col routier le plus élevé au monde. La Chine est également présente économiquement partout en Afrique où elle agit en prédateur à l’instar des États-Unis. Il n’est pas étonnant qu’elle soit militairement présente, elle aussi, à Djibouti. Elle détient en outre des capacités industrielles et scientifiques à vocation dominatrice qui la mettent en concurrence efficace avec le projet étatsunien.


Dans les deux politiques planétaire nous trouvons la même volonté commerciale et d’emprise sur les productions essentielles à la richesse de demain. Il y a naturellement une concurrence dont l’objectif induit s’avère une assurance économique et géopolitique avec aussi une intention sécuritaire et sans conteste la satisfaction de l’orgueil national.


Je relève cependant que l’armement d’aujourd’hui, met en péril la domination par la mer…Les missiles hypersoniques rendent très incertaine la survie des porte-avions étatsuniens et les drones aériens et marins ou les essaims de drones, malgré toutes les contre-mesures prises fragilisent les flottes. C’est là bien sûr l’immémoriale lutte entre l’épée et la cuirasse, mais pour l’heure il semble que l’épée ait un avantage…


Dans cette opposition que peut faire la France? Une fois encore nous ne pouvons que constater la fragilité et la caducité des alliances. Les circonstances les suscitent. Quand les situations changent, ces associations disparaissent, soit pour d’autres réunions de puissances, soit pour de simples rapprochements d’intérêts ou encore des renversements d’alliances. Aujourd’hui l’OTAN me semble mal en point, ayant perdu les repères que fixaient les États-Unis. L’UE +, rageuse, ne survivra pas au réveil des nations et à l’antinomie des besoins de chacun des membres. Création étatsunienne, elle ne présente plus d’intérêt pour Washington, bien au contraire. Elle est le refuge de l’État profond qui est son adversaire affiché.Les quelques chefs d’État qui s’agitent sur la question ukrainienne ne veulent pas admettre qu’ils ne disposent plus d’aucune carte dans le jeu international, si tant est que collectivement ils aient jamais été autre chose, jusque dans un passé récent, que des acolytes des États-Unis. Or la mondialisation, qui n’était que l’américanisation du monde, est en voie d’extinction. La France doit saisir cette formidable occasion.


La France doit donc, au plus vite, reprendre l’intégralité de sa souveraineté, transférée progressivement depuis 1992 à l’UE, et à nouveau agir dans le monde selon sa tradition et retrouver ses légitimes ambitions de Grandeur. Elle doit surmonter l’obstacle que représente l’UE à la restauration de ses capacités. J’insiste sur ce que j’écrivais dans un texte précédent, c’est de la concurrence entre les grandes nations européennes que la civilisation occidentale a pu se répandre dans le monde et que les progrès scientifiques, technologiques et sociaux ont pu naître et grandir. La France a pris une part majeure dans ce processus que l’UE a étouffé.


la France est une grande puissance maritime potentielle, présente par ses territoires dans toutes les mers du monde. Elle y dispose de formidables richesses qu’elle doit protéger et exploiter. Elle dispose toujours des atouts nécessaires à la reconquête de son pouvoir, en son sein comme à l’extérieur. La seule question qui puisse se poser est la suivante: est-ce que ses dirigeants possèdent les vertus indispensables pour assumer la dimension historique de la patrie française masquée aujourd’hui par la qualification de République qui lui est substituée. La République n’étant qu’un régime administratif pouvant s’inclure dans un autre régime administratif. Elle est frauduleusement confondue avec la démocratie. La France, elle, est de chair et d’histoire.


Général (2S) Henri ROURE

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