Militaires morts en entraînement : l’ingratitude de la nation
- evpf29
- il y a 13 heures
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Les militaires décédés à l'entraînement sont déclarés « mort en service », une anomalie qu'un député souhaite corriger.
Aujourd’hui, un militaire qui décède accidentellement lors d’un entraînement sur le territoire national n’est pas reconnu « mort pour le service de la nation ». Une proposition de loi vise à réparer cette ingratitude.
Le vendredi 2 février 2018, lors d’un vol de formation, deux hélicoptères de l’armée de terre entrent en collision et s’écrasent à Carcès, dans le Var. Le tragique accident coûte la vie à cinq militaires dont le commandant Sébastien Grève. L’officier, appartenant aux Forces spéciales, a un parcours exemplaire. Âgé de 30 ans, marié et père de quatre enfants, il est engagé depuis neuf ans dans l’armée. C’est un pilote reconnu, aux états de service brillants. Il totalise 900 heures de vol, dont 200 de nuit. Comme ses quatre frères d’armes, il est déclaré « mort en service ».
Le 8 décembre 2020, un officier CRS décède dans des conditions similaires, en Savoie. Il aura droit, pour sa part, à la mention « mort pour le service de la nation ».
Réparer une injustice
Cette différence de mention est une injustice que le député de la Drôme Thibaut Monnier souhaite réparer. À cet effet, le député Identités-Libertés (le mouvement que préside Marion Maréchal) a déposé une proposition de loi « visant à étendre le statut et les conditions d’attribution de la mention "mort pour le service de la nation" ». En effet, celle-ci « ouvre l’accès à des compensations financières et matérielles, comme le versement d’une pension de réversion à taux plein ou l’octroi du statut de "pupille de la nation" aux enfants du militaire décédé », peut-on lire dans l’exposé des motifs de sa proposition.
Ancien réserviste, le parlementaire explique à BV « avoir toujours eu à cœur de défendre la condition militaire ». Dans sa circonscription, il rencontre la veuve du commandant Grève et est touché par « son incompréhension devant le manque de reconnaissance de la nation ». « Mort en service » est en effet une formule sèche et laconique qui ne témoigne pas la reconnaissance que les militaires et leurs familles sont en droit d’attendre dans de telles circonstances dramatiques. « Lorsqu’un militaire perd la vie en opération, en service ou en dehors, la nation doit soutien et assistance à ses proches en reconnaissance de son engagement », a pourtant déclaré le ministre des Armées Sébastien Lecornu, en juillet 2024. Or, ils sont 130 soldats à ne pas avoir eu le droit à cette mention « mort pour le service de la nation ».
Le métier militaire : un métier pas comme les autres
Pourtant, l’engagement militaire, librement consenti « exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême », comme le précise le Code de la défense. Une exigence légale spécifique et exclusive de l'état militaire qui mérite en retour reconnaissance, notamment lorsque la mort survient. La mention « mort pour la France » est attribuée « lorsqu'un décès est imputable à un fait de guerre, survenu pendant le conflit ou ultérieurement ». La mention intermédiaire « mort pour le service de la nation » a été créée en 2012 pour les militaires ou agents publics décédés « du fait de l'accomplissement de [leurs] fonctions dans des circonstances exceptionnelles ». Depuis 2016, cette mention est toutefois réservée aux militaires décédés du fait « de l’acte volontaire d’un tiers ». Ainsi, les soldats décédés accidentellement « lors d’un entraînement, d’un exercice de préparation opérationnelle ou en mission intérieure (OPINT) » en sont privés.
Pour Thibaut Monnier, « les militaires doivent se sentir protégés lorsqu’ils sont en service commandé et avec potentiellement un décès sur le territoire national ». Dans un courrier qu'il a adressé au président de la commission de la Défense nationale et des forces armées (le député macroniste Jean-Michel Jacques, lui-même ancien officier marinier), pour présenter son initiative, il explique : « Le métier des armes n’est pas un métier comme les autres », « de nombreuses familles réclament que leur soit étendue la menton "mort pour le service de la nation", ainsi que l’attribution des droits qui y sont attachés ». À ce jour, la proposition de loi fédère 70 parlementaires de droite, tous partis confondus (RN, UDR, LR).
Jean-Pierre Woignier avait un fils sous-officier parachutiste au 3e RPIMa. Le soldat a trouvé la mort, en 2017, en plein entraînement dans un accident de véhicule. Le ministre de l’armée de l’époque, Florence Parly, ne l’a pas reconnu « mort pour le service de la nation ». Pour lutter contre cette injustice, il a créé une association au nom évocateur : « Les Oubliés de la Nation ».
Boulevard Voltaire