Derrière toi, en me retournant, je contemple ta trace : elle est rectiligne. Depuis toujours, tu as choisi d’être soldat, comme autrefois on entrait en chevalerie. Militaire, c’est peut-être un métier, pour toi c’est une vocation, l’honneur de servir et un appel à donner sa vie en rempart contre l’envahisseur…celui du dehors et celui du dedans.
La chevalerie, née en France, en a sculpté le visage et l’âme profonde. France, c’est-à-dire franchise, loyauté, droiture. Ces qualités, dont nous savons qu’elles sont des vertus, ont fait naître la prodigieuse civilisation que tu as désiré protéger au prix des grands sacrifices et des renoncements intimes : une vie rude, un service exigeant, une disponibilité absolue, des absences répétées qui t’ont privé de certaines joies familiales.
C’est parce que tu es un soldat de France que je t’ai épousé. Tu ne serais pas celui que tu es, si tu n’avais pas cultivé en toi ce qui te fait soldat : l’attention aux hommes, le sens très aigu du devoir et de la responsabilité, le respect de la parole donnée, l’exquise et irremplaçable fidélité.
Ton abnégation a soutenu la mienne au long d’années parfois difficiles où il a fallu porter, souvent seule, la charge d’une nombreuse famille. Comment se plaindre quand on admire ce dédain seigneurial pour le confort, le luxe et le superflu ?
Ton exemple a guidé nos enfants. Ils ont trouvé en toi un chef et un modèle. Appuyés sur ta tendresse virile, tous, garçons et filles, ont laissé s’épanouir en eux la fleur de leur amour pour leur pays. Chacun, à son poste et à sa manière, a produit son fruit en offrant sa vie pour que France et chrétienté continuent.
J’ai la conviction que la France ne disparaîtra pas tant que des hommes comme toi conserveront intact ce qu’ils sont, en refusant de se coucher dans l’adversité. Je suis fière de toi.
EVE – Les sentinelles de Place d’Armes