Gendarmes, agriculteurs et Marseillaise
- evpf29
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Mains dans le dos et bonnets jaunes à l’effigie de la Coordination Rurale, deux agriculteurs de Corrèze ont fait face, le vendredi 19 décembre, aux gendarmes venus les déloger de l’autoroute A20 qu’ils bloquaient depuis plusieurs jours. Opposés à la politique d’abattage des troupeaux que mène le gouvernement, ils voulaient faire entendre leur colère.
Mais cette colère, ils ne désiraient pas qu'elle les entraîne à l'affrontement ; aussi ont-ils décidé de libérer les voies d'accès. Mais avant cela, ces paysans ont voulu exprimer leur détresse devant la situation que leur imposait l'État.
Devant l'escadron de gendarmerie, le porte-parole déclara : « On va vous chanter la Marseillaise. Parce qu’on est fier de notre pays. On est fier de notre France. On est fier de notre gendarmerie. On est fier de notre police et on est fier de nos agriculteurs et de notre agriculture. Nous, on n’ira pas à l’affrontement. »
Puis, tous ensemble, ils mirent un genou à terre et entonnèrent avec ardeur une Marseillaise. Cette scène, depuis, a enflammé les réseaux sociaux et ému nombre de nos compatriotes.
Face à ce tableau, en tant qu'ancien commandant d'escadron de Gendarmerie mobile puis commandant de groupe (4 escadrons), je me suis demandé ce que j'aurais fait à la place du patron des « pandores ».
D'abord, en voyant les images, je me dis qu'en tant qu'autorité, je me serais positionné devant le barrage, pour être ainsi face aux agriculteurs et permettre de faire baisser immédiatement la tension. Les forces de l'ordre n'étaient pas casquées, donc le dialogue était de mise et le commandant doit en être l'initiateur.
Ensuite, au moment de la Marseillaise, j'aurais mis mes gendarmes au garde-à-vous, car c'est l'attitude de tout militaire en service lorsqu'il entend notre hymne national, même si celui-ci est chanté par des manifestants. Ceci aurait démontré que, même si leur devoir est souvent répressif, ils n'en restent pas moins des femmes et des hommes servant une nation et son peuple.
Enfin, j'aurais salué, car le chef salue lorsque ce chant, qui unit tous les Français, est joué ou entonné par des citoyens. Il aurait de plus, discrètement, montré qu'il validait ces phrases d'affection énoncées magnifiquement par ces gens de la terre.
Il y a longtemps, j'ai payé mes idées en décidant de quitter la gendarmerie suite à une sanction. Je n'en conserve pas moins une grande fierté d'avoir été dans ce corps. Corps rigoureux qui m'a toujours protégé, même quand j'ai dévoilé mes idées patriotiques.
Il n'est pas facile pour cette arme dont le but, avant de réprimer, est de protéger, d'agir en zigzaguant entre l'État représenté par les préfets, les magistrats bras armés de la justice, et des maires élus par leurs administrés. J'ai connu des manifestations face aux viticulteurs où les confrontations étaient violentes et je me souviens de certains de mes gendarmes, parents de vignerons, qui, l'œil humide et la rage au cœur, restaient stoïques face aux gens du Midi, même s'ils étaient de tout cœur avec eux.
En prêtant serment, les gendarmes précisent que : « Force doit rester à la loi ». Le problème est de savoir jusqu'où doit aller la force et à quelle loi doivent-ils obéir. Il y a eu des périodes troublées dans notre histoire où se conformer à cette maxime était difficile, voire impossible.
Espérons que nous ne nous rapprochons pas d'une telle époque.
Jean-Pierre Fabre-Bernadac, président d'honneur de Place d'armes

