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Thomas Druet, le parachutiste du 8 ème RPIMA, revenu d'entre les morts !


Place d'Armes a tenu à demander son sentiment sur sa vie militaire et son engagement actuel à Thomas Druet. Cet ancien sergent fut en 2008 blessé en Afghanistan, mort durant une minute dans l'hélicoptère qui l'évacuait, il réussit avec les années à surmonter sa très grave blessure. Il a aujourd'hui refait sa vie dans le civil. Avec rage mais honnêteté ce témoignage poignant ne dissimule pas les affres de ce parachutiste après sa blessure en OPEX.


Thomas, si vous nous parliez de votre vie passée, avant de rentrer dans l'Armée que faisiez-vous ? Etes-vous issu d'une famille de militaires ?


Ma vie d’avant ne me plaisait pas, j’avais un père alcoolique et violent j’avais juste besoin d’attendre la majorité pour pouvoir m’engager. J’ai fait quelques boulots d’appoint l’été comme trier les endives à la chaîne et moniteur de centre aéré, j’en garde de très bons souvenirs. C’était l’insouciance d’avant l’armée.


Qu'est-ce qui vous a poussé à rentrer dans l'Armée, pourquoi et comment avez-vous choisi les parachutistes ?


Cela va paraître contradictoire mais c’est en faisant tomber un album photo, que je suis tombé sur les photos du service militaire de mon père (3ème RPIMa) en tenue de para, la célèbre photo que nous pouvons faire au musée de l’ETAP en étant équipé.


Vous avez servi dans quels régiments et durant combien de temps ?


Je n’ai pas choisi les paras, j’aime à penser que les paras m’ont choisi. Je ne connaissais rien à l’armée par contre je me suis préparé pendant 1 an avant les tests. Je suis tombé sur un major, qui m’a dit, ou plutôt ordonné, de faire au minimum 10 tractions si je voulais faire partie des meilleurs. Ce jour-là j’en ai fait 16.

C'est comme cela que je suis parti au 8eme RPIMa le 06/01/2004


Vous avez servi sur quels théâtres opérationnels extérieurs ?


J’ai servi au Kosovo, Gabon, Guyane, nouvelle Calédonie, Afghanistan.


Parlez-nous de l'Afghanistan et des missions de votre unité?


Je suis parti en Afghanistan en 2008, les missions étaient diverses : patrouille, reconnaissance, récupération de chef taliban.


Racontez-nous les péripéties de l'embuscade où vous avez été blessé grièvement ?


Une embuscade bien faite, nous avons été pris à partie en traversant un découvert, sous le feu des talibans en surnombre J’ai décidé de porter secours à un de mes gars tétanisé par la peur, en courant, un sniper m’a touché gravement à la jambe côté interne de la jambe.

Cela a eu pour conséquences que ma jambe ne tenait plus que par la peau.

L’artère fémorale était sectionnée. J’ai réussi à vider mon chargeur et à lancer une APAV et à me faire un semblant de garrot puis je suis tombé inconscient. Je me suis réveillé 2 jours après, ma plus grande erreur à ce jour.

Pourquoi une erreur ? Parce que j’ai été blessé la veille de UZBIN et donc mon dossier est arrivé en premier sur la table puis le lendemain il y en a eu 23 autres, j’ai été rapatrié dans des conditions affreuses, on m’a transporté dans un avion américain à côté de cercueils, mon fixateur externe bloqué dans la civière en ferraille , autant vous dire que la vie n’était pas un long fleuve tranquille (rires) puis dans les vieux J5 pendant des heures avant de rejoindre l’hôpital militaire à Clamart. Je pense que je méritais mieux comme transport en sachant qu’il est intervenu 10 jours après ma blessure. Premier blessé, dernier rapatrié, ceci d’autant plus que j’étais le blessé le plus grave, instable de plus mais comme je le disais je n'ai pas été blessé le bon jour.

Je suis le grand oublié de l’armée, des médias (et tant mieux), des politiques et même de mon régiment puisque qu’à ce moment-là personne n'a dit à mes parents où j’étais. Je vous laisse imaginer le traumatisme que cela a engendré pour ma famille.


Vous avez fait combien d'années d'hôpital et de rééducation ?


Je suis resté 5 ans à l’hôpital. J’ai subi 43 opérations dont la dernière en septembre 2022. J’ai connu le fauteuil roulant, la solitude, la haine, la rage, le dégoût, l’humilité, le courage, la douleur. A 23 ans j’ai pris 10 ans d’un coup, sans oublier mon passage en psychiatrie.


Aujourd'hui vos rapports avec l'Armée sont plus conflictuels ?


J’ai un rapport avec l’armée assez compliqué du à cette histoire et à la façon dont j’en suis parti.

J’ai pu percevoir le pire du militaire à mon retour.

J’ai rencontré la jalousie du chef de la cellule tir du 8, qui tous les jours, me faisait des réflexions sur le fait que cela n'était pas normal d’avoir la valeur militaire (1) et la médaille militaire si tôt parce que lui ne l’avait pas eu.

J’ai subi le jugement de certains officiers le jour de la commission pour partir à Saint Maixent qui craignaient que je prenne la grosse tête avec toutes les médailles que j’avais.

J’ai connu la haine gratuite du représentant des CCH qui ne voulait pas que je rentre manger au mess avec les copains parce que je n'étais pas bien rasé et en fauteuil roulant entre deux séjours à l’hôpital.

J’ai connu également les coups de pression pour mon futur avancement à travers le représentant des sous-off de l’époque, à qui je ne voulais pas payer les cotisations pour l’entraide para parce qu’il ne m’avait jamais aidé alors que les cotisations servent à cela en cas de besoin…

Bref ce sont quelques exemples pour faire comprendre que le combat n’était pas le pire, c’est l’après qui est difficile ! Des cons, il y en a partout et l’armée en est dotée mais elle compte aussi de bons gars.

Par exemple, j'ai une pensée pour celui qui m’a aidé et m'a sauvé la vie.

Je n’ai pas été là pour prendre soin de lui quand certains cadres du régiment disaient de lui que c’était un "crassou" alors qu’il n'était pas bien psychiquement après l’embuscade. D'ailleurs, il s’est suicidé quelques temps plus tard et à ce jour ces actions le jour de l’embuscade n’ont toujours pas été reconnues.

Le traumatisme a vu le jour quand j’ai reçu ma lettre qui spécifiait que je ne faisais plus partie de l’armée. Je n’ai jamais été appelé par qui que ce soit au régiment après 15 ans de service et ma blessure par balle. J’ai tout donné, mon couple, ma fille et je n'ai même pas eu le droit à un coup de téléphone. Je ne demandais pas une cérémonie mais un minimum de respect. Quand un chef de corps part après 2 ans, il a droit à prise d'armes et cadeaux, alors pourquoi on n'a pas salué après 15 ans le guerrier que j'étais ?

Par contre j'ai une pensée respectueuse pour le Général ARAGONES ancien CDC du 8 en 2008 qui a su trouver les mots en venant me voir à Paris pendant un weekend pour me dire de ne rien lâcher après ma blessure.


Vous avez quitté l'uniforme et avez choisi, pour un ancien militaire, une voie originale. Pouvez-vous nous en dire plus ?


Pendant mes années d’armée, je me suis aperçu que l’on préparait les gars à partir au combat mais pas à s’occuper d’eux avant d’y aller. J’ai repris mes études auprès de l’Autorité des Marchés Financiers et j’ai créé mon cabinet afin de devenir conseiller financier indépendant.

Je prépare la retraite des gens ou j’optimise la situation financière de ceux qui y sont déjà. Le fait de mettre en place une stratégie patrimoniale pour mes clients et faire le maximum pour qu’ils puissent bien vivre et transmettre leur patrimoine est valorisant pour moi. Je rayonne sur toute la France et je forme aussi des personnes à ce métier. Aujourd'hui je prends soin des gens, mais sans arme, juste avec de l’écoute et du suivi. Cela me rend heureux.


(1) Le 22 janvier 2009, le caporal Thomas Druet, 24 ans, était décoré par Hervé Morin de la croix de la Valeur militaire avec étoile de vermeil

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